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Visite de la centrale électronucléaire de Nogent sur Seine

Visite du Novembre 04 2022

Mû par la soif de connaissances et pour se faire une meilleure idée du fonctionnement des centrales nucléaires du pays, et encouragé à le faire par des proches ainsi que des kamaradz des voix du nucléaire je m’inscris à une visite publique d’un réacteur à eau pressurisée le plus chaud de ma région (boah 350°C quoi), celui de Nogent sur seine, et vla ti pas que c’est parti pour se donner rendez-vous un mois après.

 

Lien vers le lieu sur OpenStreetMap

 

13:30 Y’a une floppée de bornes de recharge pour voitures elec dans l’énorme parking, mon chargemap ne fonctionne pas, nom de zeus! Heureusement que j’ai quelques piles dans la poche pour alimenter ma titine elec sur le trajet de retour.

J’arrive un brin en avance, suffisamment pour lire et appuyer sur plein de trucs dans la salle d’exposition (en toute amitié, et avec les gestes barricade).

Visite de la salle d’exposition avec ses maquettes de centrales, armatures de combustible, conteneurs de confinement des différents types de déchets, pales de turbine, assemblage de combustible, fascicules sur divers aspects de sûreté et de sécurité, d’engagements écologiques. Des jeux proposent de pédaler ou faire tourner une manivelle pour voir ce qu’on peut alimenter avec plus ou moins de watts par la force humaine. On trouve aussi de la documentation sur plusieurs écrans qui parlent d’accidents majeurs ou non, de l’échelle INES, des enseignements tirés du passé, des améliorations continues apportées.

Des gens arrivent au fur et a mesure pour la visite en groupe et sont curieux de découvrir la salle d’expo, discutent tranquillement.

Conférence

Petite conférence question réponses par notre guide Amandine, qui présente EDF et ses moyens de production électrique, de l’extraction au recyclage, le fonctionnement animé d’une centrale et de ses trois principales parties: le bâtiment réacteur, le bâtiment machine où la vapeur est convertie en électricité, et la tour aéroréfrigérante en option. Le site de Nogent produit jusqu’à 1350 MW, emploie 2000 personnes, dont 900 sont constamment sur place par roulement.

Nous sommes 13 visiteurs et visiteuses, dont près d’un tiers de femmes et une proportion assez égale entre vingtenaires et seniors. Certains sont venus entre potes par simple curiosité, d’autres sont nostalgiques de visites de leur enfance et souhaitent se rafraîchir la mémoire, pour certains je ne sais pas, mais on dirait bien que personne n’est du métier, et que tout le monde a envie d’apprendre des trucs.

Des questions sont échangées à propos de provenance des matériaux, du nombre de sites de production, des gaines des assemblages. Il nous est dit à plusieurs reprises que la centrale dispose de trois circuits d’eau qui ne sont jamais en contact, les seuls échanges sont thermiques. Tout le parc français repose sur cette technologie d’eau ordinaire sous pression avec des sites au fonctionnement similaire, les REP (ou EPR).

Préparation vestimentaire et réglementaire

On se change pour aller faire la visite, nos effets personnels restent dans la salle de conférence. On met des chaussures de sécurité, une charlotte, un casque de chantier. Nos téléphones et autres effets personnels ne doivent pas venir dans le site, c’est pourquoi je n’aurai ici que des images de vue de l’extérieur et des illustrations tirées du livre de Rolan Irolla sur la centrale de Nogent sur seine.

On va à l’accueil pour échanger notre carte d’identité contre une photocopie de celle-ci, un code personnel pour le portique d’entrée sur l’espace interne du CNPE, et un badge visiteur. Après avoir passé un portique avec dépôt des affaires dans un bac scanné par des vigiles, on se fait contrôler les mains pour détecter la présence d’explosifs potentiels. Quelle chance, aucun de nous n’est sujet à un renvoi. Les employés se font contrôler régulièrement et les visiteurs à chaque fois, mais tout le monde passe dans les portiques avec examen des effets personnels.

On passe un portique à tourniquet et on peut démarrer la visite avec les écouteurs anti bruit, reliés au micro de notre guide. Nous voilà partis à l’extérieur de cette petite ville dans la ville qui a une surface de 76 hectares qui ne sont pas totalement occupés par des constructions, il y a donc de quoi faire si on souhaite rajouter des installations.

Nous voilà au delà des barbelés

On longe les tours aéroréfrigérantes au profil hyperbolique de 160 mètres de haut sur 140 de diamètre au sol, les panaches de gouttes d’eau tourbillonnent au dessus et rejoignent les quelques nuages dans ce ciel autonmal. Le panache d’une tour fait bouger des ombres sur le profil de sa voisine. Notre guide nous détaille les équipes qui travaillent sur le site, la durée des travaux de maintenance, le rôle de l’ASN, l’autorité de sûreté du nucléaire, qu’on appelle aussi le garde fou ou le gendarme du nucléaire. J’apprends que la fameuse visite décennale dure 4 mois, c’est un long examen minutieux qui se produit tous les dix ans en plus des visites habituelles et aléatoires de l’ASN. 5000 prélèvements de contrôles sont réalisés chaque année pour vérifier l’innocuité de l’activité de la centrale sur l’environnement.

On passe un portail où l’on doit présenter notre badge et notre code personnel pour aller dans le bâtiment machine numéro 2. De tous les bâtiments, on peut entendre davantage celui de la turbine. Les aéroréfrigérants font un léger bruit de projection d’eau sur une surface plane qui fait pchhhhh. Les transformateurs font le bruit caractéristique du courant à 50 Hertz que l’on peut entendre dans tous les petits transformateurs de quartier, ou quand on allume son micro ondes à la maison. Le bâtiment réacteur ne semble pas faire de bruit avec sa double couche de plusieurs mètres de béton armé, mais comme on a pas le droit de l’approcher je n’ai pas pu le vérifier. Après tout, c’est là bas que se génère la vapeur dans des « bouilloires géantes ».

Salle des machines

Nous voilà à l’intérieur d’un énorme lieu d’une vingtaine de mètres de hauteur sous plafond, avec plusieurs étages de grilles, de tuyaux et de machines, dont le fameux alternateur qui permet à la centrale de Nogent à elle seule d’alimenter en électricité la moitié de toute la région Grand Est. Peu de personnes sont habituellement dans ce bâtiment, on en croise cependant régulièrement qui s’activent sur le chemin piéton et en camion à déplacer des cuves.

On monte dans l’ascenseur pour aller à 15 mètres au dessus du sol. On ne parle pas d’étages, comme on le fait dans le milieu marin. On nous prévient qu’il va faire plus chaud et que les personnes ayant le vertige peuvent compter sur nos deux guides si besoin pour les faire revenir sur le plancher des vaches.

Petite photo devant la tête de turbine haute pression, nommée Bernadette et Marguerite. Chaque partie a ses codes couleurs et ses panneaux de contrôle, ses vannes d’arrêt d’urgence, ses affichages divers, ses gros boutons en couleur.

Notre guide teste notre sens de l’orientation pour voir si on parvient à retrouver où se trouve le bâtiment réacteur pour que l’on comprenne bien l’action de chaque partie des circuits.

On peut voir les 4 gros tuyaux qui sortent du mur côté bâtiment réacteur, ceux ci amènent la vapeur depuis les 4 générateurs de vapeurs cachés de l’autre côté, au dessus du cœur dans la cuve. À côté on peut voir 6 tuyaux d’un diamètre plus modeste qui vont aussi dans le mur, ceux ci comportent l’eau froide de retour pour aller se faire changer en vapeur au contact de l’échangeur thermique entre le premier et le deuxième circuit d’eau, sans que l’eau ne se touche, bravo vous avez suivi!

Ils contiennent la vapeur d’eau qui alimentent la turbine, ils vont passer dans la partie haute pression de la turbine avec ses multiples couches d’ailettes en métal profilées comme un sablier couché. La partie turbine est constituée de plusieurs parties en ligne droite horizontale, reliées sur un seul arbre, avec l’alternateur qui utilise tout le mouvement produit par la vapeur pour faire l’électricité.

Après son passage en turbine, la vapeur va gagner en humidité, se faire conduire sur les côtés, puis se faire déshumidifier grâce aux surpresseurs déshumidificateurs, puis aller dans la partie moyenne pression, puis basse pression afin de tirer le maximum de force de la vapeur, avant qu’elle ne retourne dans le condensateur à l’étage 0, et qu’elle soit réinjectée dans la partie réacteur, se faire transformer en vapeur. On passe tranquilou sous les tuyaux de vapeur déshumidifiée pour voir l’intégralité de la section turbine. Les tuyaux sont légèrement chaud, mais étonnamment beaucoup moins chauds que ce à quoi je m’attendais.

Sous nos pas on peut sentir le sol vibrer de la rotation des turbines et de l’alternateur qui produit 48 000 Ampères à 20 000 Volts, soit une puissance totale maximum produite par les deux salles des machines de 1.3 GigaWatt. Ça envoie du poney dans la la machine qui est juste là, à un mètre de nous. C’est vraiment ouf qu’une boite de quelques mètres de large contenant un alternateur gros comme une camionnette permette de sortir autant de jus, et qu’on ne soit pas foudroyé sur place, nous autres petits blobs aqueux humains, bien moins conducteurs que les câbles qui sont reliés au bouzin.

Notre guide nous demande de deviner par où sort le courant de la turbine, la réponse est sous nos pieds, dans trois gros tuyaux bleus de 1 mètre de diamètre qui partent au côté ouest de la salle pour alimenter le réseau. On poursuit le tour de la turbine pour voir l’énorme bras de chantier jaune au plafond, nécessaire au déplacement et à la maintenance de n’importe quelle partie du bâtiment.

Retour en bas par l’ascenseur à zéro mètres, on fait le tour de l’installation et on peut toucher d’un côté les tuyaux légèrement chauds qui viennent condenser la vapeur. C’est bien moins chaud qu’une tasse de café. De l’autre côté, le côté froid on voit les tuyaux d’eau qui sont ensuite emmenés au bâtiment réacteur. On peut aussi voir d’énormes pompes qui tournent à près de 900km/h pour amener jusqu’à 23 mètres cube par seconde d’eau froide de la seine et de la nappe phréatique dans l’échangeur, pour que se condense la vapeur dans le condensateur et que se boucle la boucle du circuit secondaire. On sort du bâtiment machine. Dehors on voit le transformateur qui reçoit les énormes câbles coaxiaux d’un côté et sort quelques très petits fils électriques à haute tension en comparaison. Un visiteur demande quelle partie de l’électricité produite dans les 1350MW est utilisée pour auto alimenter la centrale, la réponse est aux alentours de 50MW.

On parle retour d’expérience et amélioration continue, et l’on peut voir le groupe diesel de dernier secours. On voit aussi le rôle de la FARN, la faction d’action rapide du nucléaire.

Il existe une salle des machines de démonstration, mais on ne peut pas y avoir accès aujourd’hui car c’est réservé en priorité aux formations pour les futurs pilotes. On sort de l’espace des machines par un portail, et on revient en marchant sur le chemin longeant les deux tours aéroréfrigérantes.

 

Chouette visite, accueil au top, des réponses bien vulgarisées, de la transparence, de quoi aller approfondir les sujets avec des ressources en ligne, de l’accessibilité motrice à tous les niveaux (pas seulement du braille, mais aussi de l’audio dans les toilettes).

Vraiment cool et toujours dispo pour répondre aux questions sans avoir peur de dire quand on ne sait pas un truc. Les visiteurs et visiteuses posaient d’autres questions après la fin de la visite, certains m’ont dit qu’ils étaient impressionnés de voir la propreté du site industriel alors qu’il a une surface énorme. Il paraît que cela correspond à une norme d’exemplarité des installations industrielles, ça permet d’identifier rapidement si des choses ne devraient pas être là, toutes sortes d’anomalies, et ça facilite les interventions habituelles. On sent que le boulot est de qualité, le balisage bien fait, les gens sur place détendus et réactifs quand on demande un truc. Je recommande carrément de visiter, vous pouvez le faire seul ou a plusieurs, il suffit d’avoir plus de 12 ans, (ils proposent des ateliers aussi pour les enfants dans la salle d’expo en dehors de la partie cloturée) et vous ne gagnerez pas un seul milisiviert, contrairement à ce qui se produit quand vous ingérez une banane, que vous mangez du poisson, ou quand vous êtes exposés à de la clope.

Les inscriptions sont ouvertes toute l’année, profitez en!

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