ça a fait jazzer pas mal de monde, mais l’apprentissage de la programmation informatique arrive au lycée. Et le programme de seconde est disponible en ligne.
Parmi ces objections:
la méthode d’apprentissage qui comme dans beaucoup de matières ne valorise pas l’apprentissage par l’erreur et décourage la créativité. La méthode de la régurgitation de trucs appris « par coeur » étant la norme.
Les objectifs de l’éducation nationale étant d’inculquer des valeurs bourgeoises aux pégus tout en leur apprenant à ne pas faire de remous, et de faire office de crèche pendant que leurs parents prolétaires permettent aux plus riches de rester les plus riches génération après génération, on a du mal à imaginer que la mise en place d’un tel cours dans la conformité de ces deux principes soit bien adaptée. L’ingénierie nécessite des aprentissages qui s’adaptent dans le temps, de la logique, de la créativité artistique, de l’éloquence pour défendre ses idées, du dialogue, des choix multiples, la compréhension des conséquences politiques aux choix techniques et de l’esprit critique.
J’ai principalement lu le but de faire de la main d’œuvre bêtement comme on en fait dans les autres matières, (des pisseurs de code sans éthique, formatés et corvéables).
Jusque là, pas de prof compétent car pas de réelle matière, pas de diplôme spécialisé contrairement aux autres matières.
Le tout relégué à quelques profs qui se trouvent avoir comme matière un truc qu’on peut assimiler à l’informatique quand on y connaît rien, (un peu comme on refile l’éducation civique aux profs d’histoire à qui on distribue une version de l’histoire qui glorifie le pays en mettant de côté les aspects bien sales des relations internationales passées et présentes. Souvenez vous du sujet des colonies françaises)
L’utilisation de Windows comme seul exemple laissant comme toujours le monopole à des logiciels privateurs de libertés et une mainmise de Microsoft,
aucune vision de l’impact des décisions politiques qui considère les utilisateurs d’internet comme de simples consommateurs, alors que tout le monde sait bien que sur internet on peut y faire bien d’autres choses que juste des achats en ligne. C’est un espace de vie, un lieu d’échanges, une source de connaissances, un lieu de rencontre, de communication.
La confusion entre page et ressource. La différence est de taille.
Pas de notion de travail d’équipe, ce qui est déjà vachement dommage dans les autres matières car la notion de société, de prises de décisions à plusieurs et de travail sont bien plus souvent des histoires de travail en équipe que d’égocentrisme et de réussite « personnelle ». Vous pouvez étudier Bourdieu à propos de l’égalité des chances, et la notion de classe sociale pour comprendre à quel point on se fout de votre gueule quand vous entendrez parler du mythe du « self-made man ».
La prétendue neutralité politique (au sens des décisions concernant la vie de la cité) de l’aspect technique et de ses importantes conséquences. Quand vous décidez de mettre en place du réseau qui permet de télécharger (download) mais pas de téléverser (upload) correctement, vous limitez techniquement l’envie des gens de contribuer, par exemple. Et plus vous êtes dépendant d’un gros acteur, plus vous pâtissez de ses décisions de censure, ainsi que de ses failles.
Pour aller plus loin dans cet aspect je vous recommande chaudement le livre Cyberstructure de Bortzmeyer que j’ai dévoré récemment.
L’internet que l’on vous vend via des machin-box et des services tenus en quasi monopole par des GAFAM est aussi moisi que celui du minitel et accroît démesurément l’emprise néfaste de ces quelques sociétés sur de nombreux aspects de notre vie. Alors que si on allait vers plus de décentralisation comme c’était le cas au débuts d’internet, et que c’est toujours techniquement jouable, on sortirait enfin du modèle du minitel qui est asservissant.
Benjamin Bayard l’expliquait très bien dans sa conférence qui vaut de l’or:
Benjamin Bayart – Internet libre ou Minitel 2.0 – CipherBliss PeerTube
Revenons donc à nos moutons concernant la découverte de la culture des interweb selon l’éducation nationale.
En fait le programme est plein de bonnes nouvelles que je ne m’attendais pas à voir:
- l’aspect éthique est abordé,
- l’histoire d’internet et son fonctionnement (il manque cependant la notion importante de logiciel libre dans la réussite de déploiement international du protocole BGP, car d’autres choses avaient été tentées avant mais comme elles n’étaient pas libres elles n’avaient jamais permis le partage du protocole au niveau mondial. Et un internet qui n’est pas mondial ce n’est tout simplement pas un internet)
- la distinction entre web et internet.
- de la vraie littératie numérique, car nous ne savons pas nous servir d’un ordinateur, et que nous échouons à voir les ordinateurs qui sont dans nos téléphones et autres objets de l’internet of shit.
- le sujet des « logiciels libres multi-auteurs »
- la notion de vie privée, les traces laissées par notre passage en ligne chez d’autres machines,
- les bulles de filtrage dénoncées
- un bout d’éducation à l’esprit critique, si si
- des travaux pratiques avec Open Street Maps
- l’autodéfense numérique.
Petits bémols:
Bon, on a toutefois des gens dans l’éducation nationale qui mettent dans des cryptes des trucs que les gens normaux chiffrent. je vous jure que ça a son importance, surtout quand on prétend éduquer les gens, si on s’embrouille dans le vocabulaire c’est pas bien sérieux.
Bref, ne jettons pas le bébé avec l’eau du bain pour l’instant, ça s’annonce mieux que ce à quoi je m’attendais et mieux que ce que j’ai pu connaître quand j’étais au lycée il y a fort longtemps.