|   Finalement, il avait eu tort de s'inquiéter 
        : ce n'était franchement pas la mission la plus difficile de sa 
        vie.  " Repérer, infiltrer, hacker, 
        copier, décamper ". Le tout dans un vieil immeuble bourré 
        de coins sombres où se cacher, au système de sécurité 
        à la limite du risible et aux conduits d'aérations presque 
        confortables. Du gâteau.
 Pourtant comme toujours, Deiz avait les nerfs à fleur de peau et 
        seule sa longue expérience de ce type de situation le retenait 
        de sursauter au moindre bruit suspect. " Jamais je ne m'habituerai 
        " pensait-il en ôtant son long manteau, révélant 
        sa combinaison noire. Une part de lui se le reprochait, mais une autre, 
        quelque part, s'en félicitait. Il ne tenait pas à devenir 
        un de ces pions complètement endoctrinés par le centre comme 
        il en avait tant vus, ou pire, un de ces types cyniques et brutaux qu'on 
        finissait par appeler pour
 " 
Non, cela, jamais " se promit-il pour la millième 
        fois.
 Il plia soigneusement le pardessus dans un sac imperméable et le 
        glissa sous le rebord du toit où il était perché, 
        avec l'espoir de pouvoir venir le récupérer une fois l'intervention 
        terminée. Ce n'était pas toujours possible. Le mois dernier, 
        il avait dû en laisser deux sur place, et un troisième avait 
        brûlé avec le bâtiment. Lui-même avait bien failli 
        faire partie des grillades, cette nuit-là. Mais c'était 
        le genre de chose à éviter de ruminer au moment présent
 Les missions chez les particuliers étaient 
        toujours infiniment plus simples que d'aller pirater des industriels ou 
        des laboratoires, dont les systèmes de défenses témoignaient 
        généralement d'une méfiance presque paranoïaque. 
        Presque paranoïaque. Parce que Deiz et ses pairs étaient 
        finalement les preuves indubitables qu'il y avait effectivement 
        lieu de se méfier. Depuis la troisième guerre mondiale, 
        l'espionnage était quasiment devenu sport olympique et l'expression 
        de service " secrets " était devenue ridicule tant il 
        était évident que toutes les nations s'épiaient sans 
        relâche.
 
 
 Il forçat sans grande difficulté 
        la grille d'aération principale et se glissa souplement dans le 
        conduit. Il progressa silencieusement dans la cheminée carrée 
        jusqu'au grand ventilateur, dont il sectionna l'alimentation à 
        l'aide d'une petite pince cachée dans sa ceinture. Un silence intimidant 
        envahit les lieux. Il rangea la pince et la troqua contre un tournevis, 
        avec lequel il démonta silencieusement l'hélice. Sans plus de bruit, le jeune espion se laissa couler dans les ombres du 
        couloir, baigné de la lueur glauque d'une lampe de sécurité.
 " 3ème porte à droite, 
        verrou de style MK3 triple point, pas de chien de garde, alarme désactivée 
        à partir du centre par l'agent Descartes à partir de 0h30. 
        "
 Voilà en substance les informations complémentaires que 
        lui avait communiqué Silently au téléphone, peu après 
        la réception du mail protégé, dans le style sec et 
        sans fioritures qui le caractérisait. Silently était le 
        supérieur direct de Deiz depuis 6 ans mais ne se départissait 
        de ce ton impersonnel et froid que pour éventuellement lui passer 
        un savon ou l'abreuver de sarcasmes. Deiz ne l'avait jamais rencontré, 
        et ne connaissait de lui que son prénom, David. Mais il n'utilisait 
        jamais ce prénom bien entendu. Il ne l'appelait pas non plus Silently 
        d'ailleurs. " Sale enfoiré " était, selon Deiz, 
        un nom qui convenait bien mieux au personnage impitoyable et mesquin qu'était 
        son chef.
 " Voyons voir si " l'agent Descartes " a bien fait son 
        travail " marmonna intérieurement le jeune homme.
 Descartes. N'eût-il pas été autant sous tension, il 
        en aurait pouffé de rire. " Encore un pseudo éloquent, 
        tiens. " Il se demanda vaguement les motivations d'un tel choix de 
        la part d'un agent secret. Quant à lui, Deiz était son véritable 
        prénom et il avait toujours trouvé ridicule, voire dangereux, 
        cette tradition de s'inventer une identité parallèle reconnue 
        par le personnel du Centre. C'était d'après lui un risque 
        supplémentaire de se détacher de ses responsabilités 
        de citoyen pour mieux se couler dans le moule des Ombres, une subtile 
        manuvre de manipulation mentale pour les couper de leur véritable 
        personnalité, celle qui vivait au grand jour
 et Deiz refusait 
        catégoriquement cette dualité. Il était Deiz 24h 
        sur 24 et ne jugeait pas supérieur ni spécial son statut 
        d'espion.
 De plus il ne voyait pas l'intérêt d'inventer un nom pour 
        des gens que, pour la plupart, il ne verrait jamais, et qui n'auraient 
        jamais l'occasion de l'appeler ainsi.
 " 
De toute façon, je 
        n'aurais pas su quoi choisir " songea Deiz en débloquant les 
        derniers mécanismes du verrou décrit par David. Du gâteau, 
        là encore. Il aurait pu faire ça les yeux fermés 
        et une main attachée dans le dos. Entrer dans les choses 
        était la spécialité de Deiz. Qu'il s'agisse de réseaux, 
        de programmes ou de lieux, il n'avait encore jamais trouvé quoique 
        ce soit qui résiste à sa minutie et son acharnement. Deiz 
        était parmi les meilleurs, sinon le meilleur, dans ce domaine. 
        C'était là sa force, et son principal argument pour garder 
        sa place en tant qu'espion de classe 3. Car la malédiction voulait 
        qu'il n'excelle pas qu'en cela
 et il savait très bien que 
        de nombreux pontes du Centre l'auraient volontiers vu changer de catégorie 
        et exploiter " d'autres capacités ". Mais ça, il n'en était pas question. " Non, pas question 
        ", se répéta mentalement Deiz, en ouvrant finalement 
        la porte de l'appartement.
 
 Pas de sonneries stridentes, pas de lumière aveuglante, seuls le 
        silence et l'obscurité l'accueillirent dans la pièce.
 Evidemment, ça ne voulait rien dire. A l'heure qu'il était, 
        des voitures de police pouvaient très bien foncer dans la direction 
        de l'immeuble pour le cueillir sur le fait, si les alarmes n'avaient effectivement 
        pas été neutralisées à leur source. Mais rien 
        de tel n'était jamais arrivé dans ses missions précédentes 
        et il avait suffisamment confiance en l'organisation des Ombres pour ce 
        genre de détail. Aussi fut-ce sans inquiétude particulière, 
        toute proportion gardée étant donné son niveau de 
        stress déjà culminant, qu'il traversa l'appartement en direction 
        de la pièce désignée comme le bureau sur les plans 
        qu'il avait appris par cur.
 De grandes fenêtres, aux rideaux ouverts, laissaient entrer la lumière 
        de la ville, éclairant les lieux d'une lumière orangeâtre. 
        L'appartement, bien qu'ancien, était agréablement aménagé, 
        dans un style mêlant tradition british et modernisme de bon 
        goût. Visiblement, le propriétaire n'était pas sur 
        la paille, et avait un goût prononcé pour les beaux livres 
        reliés. Ils se comptaient par centaines, et couvraient de grandes 
        étagères en bois vieilli qui occupaient la plus grande partie 
        de la surface murale. Un magnifique astrolabe du XVIème siècle, 
        en métal cuivré délicatement ouvragé, trônait 
        sur un chevalet marqueté non moins exceptionnel. Des bibelots coûteux 
        formaient un chaos étudié sur les nombreuses petites tables 
        basses éparpillées sur la moquette épaisse, de couleur 
        claire, qui absorbait les bruits et donnait la sensation curieuse de marcher 
        sur la mousse d'un sous-bois. L'ambiance créée par l'ensemble 
        de la décoration était à la fois luxueuse et accueillante, 
        et Deiz ressentit malgré lui une pointe d'envie pour le propriétaire 
        des lieux.
 Tout comme ç'avait été le cas pour l'appartement, 
        pénétrer dans les fichiers protégés de l'ordinateur 
        trônant au milieu du bureau massif ne fût qu'une formalité 
        pour Deiz. Il parcourut rapidement la liste des dossiers à la recherche 
        de ceux qu'il avait mission de copier pour le Centre. Là survint 
        le premier petit problème qu'il rencontra dans l'accomplissement 
        de sa tâche : les dossiers étaient nommés selon un 
        code dont il n'avait pas la clé. Il n'était pas censé 
        fourrer son nez dans ce qu'il était charger de récupérer, 
        aussi eut-il un moment de réticence avant de se résoudre 
        à jeter un il à leur contenu, dans l'espoir que cela 
        le guide dans sa recherche.
 
 Ce n'est pas comme s'il lui avait été explicitement interdit 
        de prendre connaissance de ces informations. Mais c'était justement 
        ça, le problème avec le Centre : rien n'était vraiment 
        interdit, et rien n'était vraiment explicite. " Vous n'auriez 
        pas fait de bourde si vous aviez respecté l'esprit du Centre ", 
        voilà ce qu'on vous répondait quand tout à coup vous 
        vous voyiez reprocher quelque chose que jamais vous n'auriez pensé 
        être une erreur de votre part.
 L'esprit du Centre.
 
 Enfin ça, c'était pour les chanceux qui avaient effectivement 
        l'opportunité de vivre assez longtemps pour se faire réprimander. 
        Dans d'autres cas
 " Bon, ce sera certainement mal vu si c'est découvert, mais 
        après tout c'est pour le bien de la mission " se persuada 
        finalement Deiz ; de plus le jeune homme savait parfaitement comment effacer 
        ses traces dans un ordinateur, et s'il décidait que personne ne 
        s'en apercevrait, et bien personne ne s'en apercevrait.
 Malheureusement cette initiative risquée 
        ne l'avança en rien. Après quelques recherches pour trouver 
        un programme susceptible de reconnaître le format des fichiers en 
        question, tout ce qu'il put obtenir fut une liste de mots cryptés 
        qui ne l'aidèrent pas le moins du monde à faire sa sélection. 
        Impossible de savoir de cette manière lesquels contenaient les 
        références qui intéressaient le Centre.Deiz décida finalement de tout copier, et de laisser les informaticiens 
        du Centre se débrouiller avec ça. " Laissons à 
        chacun sa petite part de rigolade dans l'opération ", railla-t-il 
        intérieurement.
 Il laissa l'ordinateur allumé bien en évidence, comme on 
        le lui avait demandé. Il aurait pu tout aussi bien taguer " 
        Big Brother is watching you " sur les boiseries : le message transmis 
        était clairement la garantie lourde de menace que le propriétaire 
        de cet ordinateur, quelqu'il soit, était surveillé de près.
 
 Deiz rangea ses appareils et câbles informatiques dans les poches 
        secrètes de sa combinaison. " T'es pire qu'une nana, " 
        lui avait un jour lancé un autre agent avec qui il avait dû, 
        exceptionnellement, faire équipe pour une mission. " Ta combi 
        est assez moulante pour qu'on puisse compter tes poils de cul à 
        travers, et pourtant t'arrives toujours à en sortir chais pas quel 
        bardas, de Dieu sait où " avait-il poétiquement poursuivi.
 Deiz préférait effectivement ce costume très ajusté 
        aux uniformes d'allure militaire proposés habituellement le Centre, 
        parce qu'il lui donnait l'impression d'être plus discret, plus souple, 
        plus agile 
 et plus vulnérable. Or il avait remarqué 
        que se sentir souple et agile le rendait plus confiant, tandis que se 
        sentir plus vulnérable le rendait plus prudent, aussi avait-il 
        définitivement adopté cette panoplie. " En plus tu 
        es sexy en diable comme ça ", avait ironisé la couturière 
        qui lui avait spécialement confectionné sa tenue ; " 
        les méchants réfléchiront peut-être à 
        deux fois avant de vider leur chargeur sur un si beau gosse. "
 Compte tenu de ce qu'il savait sur ses éventuels adversaires, Deiz 
        gardait quelques réserves sur ce dernier effet ; aussi s'était-il 
        contenté de hausser les épaules d'un air gêné.
 C'est donc confiant, prudent et " sexy en diable " qu'il traversa 
        l'appartement en sens inverse, soulagé d'en avoir si vite fini, 
        et impatient de retrouver le confort, si discutable soit-il, de sa vie 
        d'étudiant sans histoire. Il lança un dernier regard vers 
        les livres de prix alignés sur les étagères, et remarqua 
        distraitement qu'il s'agissait en majorité d'ouvrages traitant 
        de mathématiques. Il était donc probablement dans l'appartement 
        d'un chercheur en mathématiques, et se demanda vaguement quelle 
        menace pour la société pouvait représenter ses recherches. 
        En réponse, la voix désagréable de David résonna 
        dans sa tête.
 " C'est pas tes oignons, mon petit père ! Et j'aimerais assez 
        que tu mettes une bonne fois pour toutes dans ton petit crâne de 
        connard que t'es rien d'autre qu'un pauvre espion de bas étage, 
        et dans espion il y a pion, tu saisis ? Des types comme toi on en a à 
        la pelle, alors n'essaie pas de te la jouer détective et contente-toi 
        de faire ce qu'on te dit proprement, ça vaut mieux pour toi " 
        avait un jour vociféré son chef, alors que Deiz avait posé, 
        semble-t-il, la question de trop sur une autre affaire.
 Il savait que ce n'était pas vrai. 
        Des types comme lui, il n'y en avait pas " à la pelle ", 
        et il était parfaitement conscient que le Centre serait très, 
        très ennuyé de devoir du jour au lendemain se passer ses 
        talents. Cependant il savait aussi qu'il n'hésiterait pas à le faire 
        s'il le jugeait nécessaire. D'une façon ou d'une autre.
 Il abandonna donc vite ces réflexions et dépassa la bibliothèque 
        sans lui accorder davantage d'attention.
 
 Deiz était sur le point de sortir du salon lorsque tout à 
        coup, une onde glacée lui parcourut la moelle épinière.
 Quelque chose avait bougé. 
         Dans l'extrême limite de son champ 
        de vision, il avait cru voir
  Se retournant vivement, il scruta la pièce 
        dans la direction d'où semblait provenir le mouvement. Parfaitement 
        immobile et concentré, tous les sens en alerte, il tenta de percer 
        la semi-obscurité dans laquelle était plongées une 
        grande lampe en tissu et une gerbe de graminées sèches, 
        disposées devant un canapé de cuir beige. Rien ne bougea, pas un bruit ne se fit entendre. Deiz maudit intérieurement 
        le décor chargé et la moquette moelleuse qui l'avaient charmé 
        quelques instants auparavant. Au bout de quelques secondes d'attente prudente, 
        il s'approcha lentement, avec méfiance, de la zone où il 
        avait cru percevoir une présence. Il s'avança vers le canapé, 
        se pencha pour regarder derrière
 rien.
 Personne.
 Cela ne rassura pas le garçon. 
        Il avait cru voir quelque chose, et il était suffisamment entraîné 
        depuis sa plus tendre enfance à faire la différence entre 
        un hypothétique monstre sous le lit et un véritable assassin 
        en chair et en os caché dans la pièce pour savoir que s'il 
        avait cru voir quelque chose, c'est qu'il y avait quelque 
        chose. Et que la chose se fût évaporée 
        avec autant de talent qu'elle en avait mis pour dissimuler sa présence 
        était encore plus inquiétant. L'esprit surchauffé par la tension 
        de la situation, Deiz réfléchit à toute vitesse.Seul un espion de haut-vol, rompu à des techniques avancées 
        d'infiltration, était capable d'échapper ainsi à 
        la vigilance de quelqu'un comme lui. Et dans cette région du monde, 
        un tel espion ne pouvait pas venir de 36 organisations. Plus il y réfléchissait, 
        plus cette conclusion inexplicable s'imposait
 Oui, il en était 
        presque sûr
 Un autre agent des Ombres, certainement un espion de classe 4, était 
        dans l'appartement cette nuit.
 ***
 Il se rendormit après la sonnerie du réveil le lendemain 
        matin, et émergea de nouveau un moment plus tard pour constater 
        avec irritation qu'il n'avait plus que 5 minutes pour s'habiller, déjeuner, 
        et prendre le bus jusqu'à la fac au cur de Paris pour arriver 
        à l'heure à son cours. Fatigué et courbaturé, 
        il avait mal dormi, d'un sommeil agité et entrecoupé de 
        rêves désagréables, et s'était réveillé 
        en sursaut à deux reprises, le système saturé d'adrénaline 
        et le cur battant la chamade, sans savoir exactement ce qui justifiait 
        un tel accès de panique.
 Dans un accès de fatalisme, il 
        décréta intérieurement que puisqu'il était 
        d'emblée en retard, il était inutile de se précipiter 
        outre mesure : le mal était déjà fait, alors autant 
        prendre son temps maintenant. Il s'était déjà douché 
        en rentrant de mission cette nuit ; la douche brûlante du retour 
        était devenue un rituel pour lui, lui permettant de détendre 
        corps et esprit, et, symboliquement, de se laver de ses actions de la 
        nuit.Il se contenta donc d'enfiler une chemisette propre et un jean d'un bleu 
        indéfini, et passa avec un grognement agacé sa main dans 
        la masse d'épis en tous sens qui lui servait de chevelure. Le rituel 
        de la douche nocturne avait en effet ceci de déplaisant qu'il l'obligeait 
        à se coucher les cheveux humides, et l'oreiller ne manquait jamais 
        de créer dans sa crinière en bataille les reliefs les plus 
        insolites, qu'il était évidemment impossible à aplatir 
        le lendemain à moins de se retremper la tête.
 
 Deiz n'était pas d'humeur à se lancer dans une nouvelle 
        bataille capillaire ce matin et décida donc de conserver cet " 
        effet décoiffé " que, comble d'ironie, certains de 
        ses camarades les plus coquets mettaient parfois des heures à obtenir 
        à grand renfort de gels divers. De plus, observa-t-il cyniquement, 
        cela s'accordait à merveille avec les cernes violacés qui 
        assombrissaient son regard ; il choisit donc finalement de parfaire ce 
        look saut-du-lit en s'épargnant la corvée d'un rasage.
 
 
 Mâchonnant distraitement une cuillerée 
        de müesli noyé de lait, Deiz réfléchit à 
        ce qui n'avait pas quitté son esprit un instant : l'incident de 
        la veille. Il savait ce qu'il avait perçu et il était sûr de 
        sa déduction. Il n'était pas seul dans cet appartement, 
        quelqu'un d'autre était sur le coup, et ce quelqu'un était 
        à 99% de chances un agent haut de gamme des Ombres.
 Certes il arrivait parfois qu'ils soient 
        plusieurs sur une même mission, mais même s'ils n'étaient 
        pas forcément en collaboration directe, ils étaient toujours 
        prévenus de la présence de collègues, ne serait-ce 
        que pour éviter de se tirer dessus par erreur. De plus dans ces 
        cas-là, le Centre leur fournissait un " détecteur d'Ombres 
        ", autrement dit un petit récepteur sensible aux ondes transmises 
        par le microdispositif implanté sous la peau de chaque agent de 
        l'organisation, qui permettait de les repérer dans un rayon d'une 
        trentaine de mètres. Cette fois-ci, rien de tout cela. Pourtant 
        l'instinct de Deiz lui criait que la mystérieuse présence 
        de la nuit dernière était de la même trempe que lui 
        ; et Deiz avait appris depuis longtemps à faire confiance à 
        ce sixième sens, qui lui avait plus d'une fois sauvé la 
        mise.Avec un coup au cur, il pensa soudain à une explication possible 
        de la présence d'une autre Ombre que lui, à son insu, et 
        le surveillant. " Non, non ça ne peut pas être ça
 
        Comment pourrait-ce me concerner, moi ? Je n'ai rien
 je n'ai rien 
        fait qui puisse m'attirer cette... menace
 "
 Réprimant un tressaillement d'angoisse, Deiz chassa rapidement 
        de son esprit cette idée aussi terrifiante que peu plausible, et 
        toucha machinalement la minuscule cicatrice, imperceptible pour qui ne 
        la cherchait pas, au niveau de son cou, derrière laquelle se cachait 
        sa propre puce de reconnaissance.
 La savoir là le mettait profondément 
        mal à l'aise. Il détestait l'idée d'être surveillé 
        en permanence, sans compter que la seule évocation d'un objet métallique 
        enfoncé sous sa peau suffisait à le mettre au bord du malaise. 
        " Chochotte ", avait un jour plaisanté Donna, la seule 
        en qui il avait assez confiance pour s'ouvrir à ce genre de confidence. 
        Mais au-delà du ton moqueur, il avait deviné de la compréhension 
        et de la compassion dans son regard, et cela avait suffi à le réconforter 
        un moment.
 Il se rendit soudain compte qu'il mourrait 
        d'envie de les voir, elle et Jacques.Cela faisait des semaines qu'il n'avait pas entendu une voix amie ; de 
        plus, il pourrait peut-être leur parler de l'incident et leur demander 
        leur opinion sur le sujet.
 Mais par-dessus tout, ses tuteurs lui manquaient, et même si les 
        relations aussi étroites et affectives que celles qu'il entretenaient 
        avec eux étaient condamnées par le Centre, il était 
        prêt à braver les sarcasmes et les remontrances de ses supérieurs 
        pour leur rendre visite aussi souvent qu'il le pouvait. Ce qui, cela dit, 
        n'excédait cependant pas le rythme de 4 ou 5 fois par an.
 Il prit donc la décision de se rendre à la villa dès 
        ce week-end, et cette perspective lui remonta assez le moral pour lui 
        donner le courage de préparer ses affaires et d'enfin partir, avec 
        1h de retard, pour l'université.
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